Réconcilier concurrence et politique industrielle - 05/11 - 11h00 (LYON 3 ROUBIER)

Réconcilier concurrence et politique industrielle - 05/11 - 11h00 (LYON 3 ROUBIER)

Bref Résumé

Cette table ronde explore la tension entre la politique de concurrence et la politique industrielle en Europe, en comparaison avec les approches adoptées par la Chine et les États-Unis. Les intervenants discutent de la nécessité de réconcilier ces deux aspects pour stimuler l'innovation, assurer la souveraineté économique et éviter le déclin technologique de l'Europe.

  • La concurrence est essentielle pour stimuler l'innovation et éviter la stagnation, mais elle doit être équilibrée avec une politique industrielle intelligente.
  • L'Europe doit améliorer sa politique d'innovation en investissant dans les bons secteurs, en adoptant une meilleure gouvernance et en évitant le saupoudrage des fonds.
  • La coopération entre les pays européens est nécessaire pour créer des DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) à l'européenne et un marché unique pour l'innovation.

Introduction : Réconcilier concurrence et politique industrielle en Europe

Jean-Marc Victori introduit le débat sur la nécessité pour l'Europe de réconcilier la politique de concurrence et la politique industrielle. Il souligne que la Chine et les États-Unis progressent rapidement grâce à des politiques industrielles volontaristes, tandis que l'Europe peine à suivre. La Chine domine les secteurs de la transition énergétique et des terres rares, tandis que les États-Unis dominent le numérique. L'Europe, construite sur un marché unique et des règles de concurrence strictes, a du mal à définir une politique industrielle efficace. La question centrale est de savoir comment l'Europe peut innover davantage et assurer sa souveraineté économique.

La vision de Philippe Aghion : Concurrence et innovation

Philippe Aghion explique que la concurrence est fondamentale pour une économie prospère, car elle encourage l'innovation et permet aux nouveaux talents de se développer. Il souligne que l'Europe a la chance d'avoir une commission de la concurrence active, mais il reconnaît également que l'Europe accuse un retard technologique par rapport aux États-Unis et à la Chine. Aux États-Unis, une forme de politique industrielle coexiste avec la politique de concurrence, tandis qu'en Chine, la concurrence est stimulée par des subventions et une forme de "yard stick compétition". Aghion se demande comment l'Europe peut rattraper son retard sans compromettre la concurrence, en particulier dans des domaines comme la défense, les biotechnologies et la transition énergétique.

La perspective d'Anne Perrot : Philosophies divergentes et outils de la politique de concurrence

Anne Perrot explique que la politique de concurrence repose sur la conviction que le marché est le meilleur pourvoyeur d'incitations à l'investissement et à l'innovation. Elle lutte contre les ententes et les abus de position dominante, mais elle reconnaît qu'il existe des défaillances de marché qui justifient une politique industrielle. Cependant, en France, la politique industrielle est souvent synonyme de soutien à des champions nationaux, ce qui rend difficile la définition d'une philosophie cohérente. Perrot souligne que l'objectif de souveraineté, souvent avancé, est difficile à définir et à atteindre. Elle aborde également les outils de la politique de concurrence, tels que le contrôle des concentrations et la lutte contre les abus de position dominante, en soulignant les angles morts et les défis posés par le numérique.

L'analyse de Jean Tirole : Monopoles, politique industrielle et régulation

Jean Tirole souligne que les monopoles sont néfastes pour l'innovation et qu'ils sont de plus en plus présents dans le numérique en raison des effets de réseau. Il estime que l'Europe est bien placée en matière de droit de la concurrence, mais que les grandes entreprises sont souvent américaines ou chinoises, ce qui donne l'impression d'une discrimination. Tirole critique la politique industrielle interventionniste, où un petit groupe de fonctionnaires et de pseudo-experts décident de financer des filières spécifiques. Il souligne que la politique industrielle est d'autant plus importante qu'il existe des défaillances de marché, notamment dans les technologies vertes, les antibiotiques et la défense.

Débats sur le contrôle des concentrations et les aides d'État

Anne Perrot revient sur l'affaire Alstom-Siemens, où la Commission européenne a refusé une fusion au nom de la concurrence, malgré les arguments sur la nécessité de créer un champion européen face à la Chine. Elle explique que la politique de concurrence doit se fixer un horizon temporel pour évaluer les entrées potentielles sur le marché, mais qu'il est difficile de prévoir l'avenir à long terme. Perrot souligne également que l'Europe a un contrôle des aides d'État, ce qui la différencie de la Chine et des États-Unis. Elle mentionne le Foreign Subsidies Regulation (FSR), un outil récent pour lutter contre les entreprises étrangères subventionnées.

Jugements sur la politique de concurrence européenne et la souveraineté

Jean Tirole estime que la politique de concurrence européenne va dans le bon sens et qu'elle n'est pas trop intrusive. Il souligne la difficulté d'imposer des plafonds de prix et la pression des lobbies sur les régulateurs. Tirole critique l'utilisation excessive du concept de souveraineté et se demande jusqu'où il faut aller pour protéger les industries nationales. Il mentionne le Digital Market Act (DMA) et le RGPD comme des exemples de volontarisme européen, mais il regrette le manque de croissance économique.

Évolution de la politique de concurrence et outils pour une politique industrielle efficace

Philippe Aghion estime que la politique de concurrence doit évoluer vers une approche plus dynamique, en tenant compte de l'impact des fusions-acquisitions sur l'innovation future. Il souligne que la politique de concurrence américaine n'a pas empêché les GAFAM de brider l'innovation et qu'il existe un risque similaire avec l'IA. Aghion insiste sur la nécessité de généraliser le Digital Market Act (DMA) à toute la chaîne de valeur de l'IA et de favoriser l'open source.

Politique européenne d'innovation : Défis et solutions

Jean Tirole constate que l'Europe dépense trop peu en innovation, dans les mauvais secteurs et avec une mauvaise gouvernance. Il souligne que la plupart des dépenses de R&D sont concentrées dans le secteur automobile, alors que les États-Unis investissent massivement dans les technologies de pointe et les biotechnologies. Tirole critique le saupoudrage des fonds européens et le manque de soutien aux technologies de rupture. Il plaide pour une gouvernance où les scientifiques décident de l'attribution des fonds, comme c'est le cas avec le Conseil européen de la recherche (ERC).

DARPA à l'européenne et coalition des volontaires

Philippe Aghion explique que la DARPA américaine a été créée pour atteindre des missions spécifiques dans un temps limité, en coordonnant les acteurs et les moyens. Il souligne que la politique industrielle est importante dans les domaines où la concurrence seule ne suffit pas. Aghion propose de créer des DARPA à l'européenne en s'appuyant sur une coalition des volontaires, c'est-à-dire les pays européens qui veulent avancer plus vite que les autres. Il mentionne l'Allemagne et l'Angleterre comme des partenaires potentiels.

Conditions d'une politique industrielle efficace et rôle de la commande publique

Anne Perrot constate que les politiques industrielles françaises et européennes sont souvent des politiques de saupoudrage sans priorité, inconstantes et définies de manière bureaucratique. Elle souligne qu'il est difficile d'arrêter les programmes qui ne marchent pas et que l'État a tendance à vouloir aider des champions qu'il aura lui-même identifiés. Perrot estime que la constitution de clusters, c'est-à-dire d'entreprises et de laboratoires de recherche proches géographiquement, est une bonne approche pour favoriser l'innovation.

Demande sociétale, réindustrialisation et prospective

Jean Tirole souligne que la demande sociétale est souvent plus élevée que la demande économique, notamment dans le cas des vaccins et des antibiotiques. Il insiste sur la nécessité de réfléchir en termes économiques et de ne pas chercher à réindustrialiser à tout prix. Tirole met en garde contre les clusters créés par les politiques et souligne l'importance des compétences et de l'écosystème entrepreneurial. Il estime qu'il faut faire plus de prospective sur les conséquences de l'IA sur l'emploi et les inégalités.

Réindustrialisation, IA et rôle des citoyens

Anne Perrot souligne que l'industrie d'aujourd'hui est peu intensive en travail et qu'il faut se concentrer sur la formation et la capacité des salariés à se saisir de l'IA. Elle estime que l'IA va substituer des emplois de qualification de plus en plus élevée.

Monopoles transitoires et rôle des citoyens

Les intervenants discutent de la question de savoir s'il faut s'accommoder de monopoles transitoires dans le numérique et comment le droit de la concurrence doit s'adapter à cette réalité. Ils soulignent également le rôle des citoyens dans l'innovation, en utilisant des outils comme Mistral plutôt que ChatGPT.

Conseils aux jeunes entrepreneurs et conclusion

Les intervenants encouragent les jeunes à entreprendre en Europe, en soulignant les valeurs de démocratie, de liberté et de modèle social. Ils insistent sur la nécessité de croire en soi, de se lancer à fond et de ne pas avoir peur de l'échec. Les intervenants concluent en soulignant l'importance de réfléchir en termes économiques, d'écouter les scientifiques et de distribuer autrement les chocolats.

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